Alice Holzman : « Role model sans le savoir »
La directrice générale de Ma French Bank, la toute nouvelle filiale de La Banque Postale, se livre pour l’IMM. Outre les qualités requises pour être un bon manager, elle évoque la place des femmes en entreprise. Paroles d’une dirigeante « normale » qui aime oser.
« Pour moi, un dirigeant doit savoir conjuguer deux qualités : la curiosité et l’humilité. Et je dirai que la crise que nous vivons actuellement les rend d’autant plus nécessaires. »
Curiosité, d’abord, ou la capacité à interroger ce qui est établi.
Quand nous avons créé Ma French Bank, nous n’avions aucune certitude. Feuille blanche : pas de structure, pas de SI, pas de marque, rien ! Il fallait imaginer comment la Banque Postale pouvait participer à la nouvelle dynamique des banques digitales avec son ADN de banque citoyenne et ses atouts. La construction de la banque a duré deux ans et demi. Dès l’origine, on a essayé de se poser les bonnes questions : quelle identité veut-on donner à cette néo-banque ? Que veut-on remettre en cause ? Quel business model additionnel pour La Banque Postale ? Notre cahier des charges était clair : avoir de l’audace, inventer quelque chose de nouveau sur le marché des banques digitales, proposer une banque différente dans ses valeurs et sa personnalité. Un défi aussi exaltant qu’impressionnant qui nous donnait beaucoup de liberté pour «réinterroger le système » et créer une nouvelle banque. Le monde de la banque, ce n’est pas vraiment glamour, n’est-ce pas ? On ne se réveille pas le matin en se disant qu’on va égailler sa journée en ouvrant un compte bancaire. Par ailleurs, au moment où nous nous sommes lancés, il existait déjà de nombreuses propositions digitales sur le marché. Pour réussir à acquérir rapidement de nouveaux clients, il fallait donc trouver la voie d’une banque nouvelle génération à la fois sympathique, inscrite dans le quotidien, ouverte à tous, simple et pratique, mais aussi qui inspire confiance, valorise sa filiation avec la Banque Postale et qui apporte une valeur économique au groupe. Trouver le point médian entre les deux. Et c’est là qu’intervient la deuxième qualité requise : l’humilité pour accepter d’itérer ou pivoter quand c’est nécessaire...
« Pourquoi l’humilité ? »
L’humilité, c’est avoir conscience qu’on ne sait pas tout, qu’on ne peut pas tout prévoir et tout modéliser, qu’il faut toujours rester agile et s’avoir s’adapter. Il est parfois préférable de faire machine arrière plutôt que de s’entêter. J’essaye de piloter notre nouvelle banque comme ça – et ce n’est pas toujours confortable pour l’équipe. Pour nous permettre de garder le cap quels que soient les détours, je nous pousse à scénariser et envisager les différentes réponses en avance de phase.
L’humilité, c’est aussi de ne jamais sous-estimer ses concurrents et savoir écouter les différentes parties-prenantes : ses clients, ses collaborateurs, sa maison-mère. L’humilité est nécessaire pour pouvoir se remettre en cause, corriger le tir et rester pertinent. En termes de management, cela demande de savoir à la fois fixer le cap, accepter voire encourager le débat, aligner si nécessaire et accompagner les changements de direction.
« L’humilité, finalement c’est manager l’incertitude. Dans le contexte du coronavirus, entre confinement et dé-confinement, il faut accepter d’entrer dans l’inconnu, oser les changements de cap et les accompagner en conservant ce que j’appelle « l’arête centrale » pour éviter de perdre le sens et l’objectif visé. Il est par ailleurs essentiel de garder le lien, d’écouter et de rassurer. Il ne s’agit pas de cocooner, mais de créer un climat de confiance et de solidarité nécessaire pour fédérer, faire adhérer à une ambition et une feuille de route. La gestion de l’incertitude demande de l’agilité mentale à tous les niveaux et nécessite que l’équipe de management garde le cap, accompagne les mouvements et rassure les équipes. C’est particulièrement vrai dans la situation de crise sanitaire que nous vivons.
« Être une femme, qu’est-ce que ça change quelque chose ? »
Eh bien, les femmes de ma génération se sont senties obligées d’être exemplaires. D’une certaine manière, même si nous n’étions plus des « pionnières » et que la mixité dans les études et les postes de direction était déjà un acquis, nous nous sommes posé beaucoup de questions, nous avons voulu prouver en permanence, montrer l’exemple. C’était sans doute nécessaire pour promouvoir la place des femmes jusqu’au plus haut niveau des entreprises avec des femmes « role model ». Aujourd’hui, il me semble important d’encourager les femmes à oser, mais aussi à rester elles même, à considérer qu’il est normal d’avoir de l’ambition et qu’on peut tout-à-fait avoir une vie professionnelles riche et être épanouie dans sa vie personnelle. La société évolue, et c’est tant mieux. Il me semble important d’encourager la mixité à tous les niveaux de l’entreprise et c’est ce que j’essaye de faire au sein de Ma French Bank. »